Crise du neuf, aubaine de l’ancien : la réhabilitation peut-elle débloquer le logement ?

Crise du neuf, aubaine de l’ancien : la réhabilitation peut-elle débloquer le logement ?
Crédit photo: Mathias Reding

Je le vois sur le terrain et dans vos messages : le neuf patine, les budgets coincent, les délais s’allongent… Et si la porte de sortie se trouvait du côté des vieilles pierres ? Couvents, casernes, hôpitaux, hôtels particuliers… la réhabilitation patrimoniale coche des cases que le neuf standard ne coche plus. Aujourd’hui, je vous explique pourquoi — et surtout comment — en profiter intelligemment.

Où en est le neuf ? Le coup de froid en 6 chiffres

  • 15 726 réservations de logements au 2e trimestre 2025, soit –8,7 % sur un an (données ministérielles publiées le 20 août 2025).
  • Les appartements reculent à 14 821 réservations (–2,5 % sur le trimestre), les maisons résistent à 905 (+1,1 %).
  • 18 395 mises en vente (+4,5 %), mais des stocks encore lourds : environ 121 270 logements disponibles fin juin.
  • 17,3 % d’annulations de réservations, en hausse sur le trimestre.
  • Les ventes en bloc (bailleurs/institutionnels) fléchissent : 12 127 (–6,5 % sur le trimestre, –25,6 % sur un an).
  • Taux encore exigeants, fin du Pinel, inflation des coûts : la demande teste, compare… et temporise.

📌 À retenir
Un marché qui fonctionne à bas régime et une “course à la qualité” qui s’installe. Résultat : les programmes périphériques et uniformes souffrent, tandis que les produits incarnés et bien situés tirent leur épingle du jeu.


Le « neuf dans l’ancien » : raison et émotion enfin réconciliées

Je parle ici de réhabiliter une enveloppe patrimoniale (façades, volumes, escaliers, cours), pour y y aménager des appartements aux standards d’aujourd’hui (isolation, acoustique, ascenseur, DPE performant). Pourquoi ça marche si bien ?

  • Emplacements centraux et vivants (écoles, marchés, transports, culture).
  • Sobriété foncière (on recycle la ville, pas d’artificialisation supplémentaire).
  • Valeur d’usage + valeur d’image : le bien “raconte une histoire” et se revend mieux.
  • Demande forte pour des logements singuliers, performants et prêts à vivre.

Exemples qui font rêver (et qui existent déjà) :

  • Un ancien couvent qui conserve cloître et voûtes, avec appartements neufs à l’intérieur.
  • Une caserne ou un hôpital convertis en logements familiaux en plein cœur de ville.
  • Un hôtel particulier réinventé en petite copropriété de standing.
  • Des bâtis protégés restitués avec soin, jusqu’au moindre garde-corps.

💬 La petite scène vraie
Dans Dans une réhabilitation de centre historique, l’escalier en pierre tricentenaire est devenu “les marches des chevaliers” pour l’enfant de la maison. Le matin on descend par l’Histoire, le soir on remonte par le confort du neuf. J’adore.


Ce que je vérifie avant d’acheter dans une réhabilitation patrimoniale

  • Autorisations et périmètres patrimoniaux
    • Présence d’un Architecte des Bâtiments de France (ABF) ? Avis rendus ?
    • Subventions et contrôles DRAC le cas échéant (bâtiment inscrit ou classé).
  • Qualité constructive et confort
    • Isolation et traitement hygrométrique dans les murs anciens (ponts thermiques, capillarité).
    • Acoustique horizontale/verticale, ventilation (simple/double flux).
    • Ascenseur, accessibilité, stationnements (réels, pas “théoriques”).
  • Garanties et montage
    • Décennale, Dommages-Ouvrage, garanties de parfait achèvement.
    • Type d’acte (VEFA/VIR), calendrier, clauses d’ajustement technique.
  • Copropriété et charges
    • Règles d’usage (cours, jardins, éléments classés), budget prévisionnel réaliste.
    • Parties communes restaurées (escaliers, toitures, façades) et plan de maintenance.
  • DPE et factures d’énergie
    • Objectif de classe visé, cohérence entre calcul et réalité bâtie (inertie, déphasage).
  • Patrimoine et usage
    • Singularité du lot (hauteurs sous plafond, menuiseries, vues).
    • Potentiel de valeur dans la durée (rareté, quartier, attractivité locale).

💡 Conseil d’expert
Demandez le dossier technique complet (diagnostics, études thermiques, acoustiques, sondages structurels), et l’historique des échanges avec l’ABF. Une bonne réhabilitation se lit autant dans les pièces jointes que dans les jolies perspectives.


Investir dans l’ancien à rénover : les bons leviers fiscaux

  • Monuments Historiques
    • Déduction des charges et intérêts, déficit imputable au revenu global (conditions strictes, conservation longue).
    • Pour amateurs éclairés ou accompagnés, budgets travaux élevés, mais levier fiscal puissant.
  • Loi Malraux
    • Réduction d’impôt sur travaux en secteurs protégés (SPR/PSMV/ZPPAUP devenues AVAP/SPR), plafonds et engagement de location.
    • Idéale pour qui vise un bien patrimonial locatif très qualitatif.
  • Déficit foncier
    • Imputation des travaux d’entretien/réparation sur revenus fonciers, puis sur revenu global (plafond annuel).
    • Souple et efficace sur du bâti ancien non classé.
  • LMNP (meublé)
    • Amortissements intéressants, surtout pour des petites surfaces centrales, meublées avec soin.

ℹ️ Bon à savoir
Le prêt à taux zéro (PTZ) a été élargi depuis le 1er avril 2025, et des crédits publics renforcent les Monuments Historiques via les DRAC. Pour le logement social, un dispositif “Seconde Vie” prévoit une exonération prolongée de taxe foncière après rénovation très performante (jusqu’au niveau B du DPE). Conditions à vérifier localement.


Promoteurs patrimoniaux : qui regarder, et pourquoi

Des opérateurs spécialisés montent en puissance, alliant ingénierie, respect du bâti et usages contemporains. Sans faire de publicité, retenez quelques familles d’acteurs à suivre et à challenger :

  • Réhabilitations patrimoniales “pur jus” (ex. CIR, Histoire & Patrimoine, François 1er, Beauregard) : expertise monuments, lots singuliers.
  • Promoteurs hybrides (neuf + réhab) type OGIC : recyclage urbain, architecture réversible, opérations mixtes.
  • Opérateurs locaux de centre-ville : fine connaissance du tissu urbain et des ABF.

Check-list rapide pour les départager :

  • Références livrées et retours de copropriétés à 2–3 ans.
  • Qualité des détails (menuiseries, serrurerie, sols), vraie maîtrise de l’acoustique.
  • Transparence des budgets travaux et du calendrier.
  • Relation constructive avec ABF/DRAC.

Où dénicher les bonnes opportunités (et au bon moment)

  • Appels à projets municipaux et fonciers publics (hôpitaux, casernes, bâtiments d’État).
  • Annonces de promoteurs patrimoniaux en cœur de ville, avant commercialisation grand public.
  • Notaires et ventes aux enchères des Domaines pour certains actifs atypiques.
  • Friches urbaines en reconversion avec volet logements/tiers-lieux.

Astuce
Surveillez les quartiers historiques avec écoles et commerces “marchables”, tôt dans le cycle de réhabilitation. On y achète une qualité de vie qui tiendra la cote — même quand le marché tousse.


Ancien réhabilité vs neuf standard : le match utile

  • Localisation
    • Ancien réhabilité : hyper-central, quartier vivant.
    • Neuf standard : souvent périphérique, dépendant de la voiture.
  • Désir d’habiter
    • Ancien réhabilité : caractère, volumes, matériaux nobles.
    • Neuf standard : fonctionnalité, normes, mais parfois “sans âme”.
  • Sobriété et ville durable
    • Ancien réhabilité : recyclage de bâti, pas d’étalement.
    • Neuf standard : performant mais consomme du foncier.
  • Revente et valeur
    • Ancien réhabilité : produit rare, moins substituable.
    • Neuf standard : dépendant de la concurrence et du cycle.

🟠 Attention aux idées reçues
Non, Non, une réhabilitation patrimoniale n’est pas “moins technique” que du neuf : c’est souvent l’inverse. D’où l’importance de s’entourer et de lire les dossiers en profondeur.


Deux cas concrets que j’aime citer

  • Lannion (centre historique)
    Des familles emménagent dans des appartements neufs nichés dans une bâtisse du XVIIe siècle. Esprit des lieux intact, confort contemporain, vie tout-à-pied. Le combo gagnant.
  • Guérande (couvent des Ursulines)
    Réhabilitation emblématique avec respect des volumes et création d’appartements performants. Illustration parfaite du “neuf dans l’ancien” désirable et durable.

Et les habitats alternatifs dans tout ça ?

Les grandes reconversions ouvrent la voie à des écosystèmes mixtes : ateliers, colocations familiales, micro-logements bien pensés pour jeunes actifs, voire résidences réversibles. L’idée n’est pas de “miniaturiser” à tout prix, mais d’offrir des solutions variées, qualitatives, au cœur des villes. La tiny house garde sa pertinence en périurbain ou rural… mais la pépite urbaine reste souvent la belle réhab bien située.


Mon plan d’action si vous hésitez entre neuf et ancien réhabilité

  1. Fixez vos priorités non négociables (quartier, école, trajets).
  2. Comparez à confort réel équivalent (acoustique, DPE, ascenseur), pas seulement au m².
  3. Demandez les preuves techniques (études, garanties) avant de tomber amoureux des moulures.
  4. Si investissement : choisissez le bon levier fiscal en fonction de votre profil (revenus, horizon, tolérance à la complexité).
  5. Ne surpayez pas la “romance” : un bel escalier ne compense pas un plan mal fichu.

En 2025, la crise du neuf n’a pas de remède unique. Mais une voie se dessine clairement : remettre de l’incarnation au cœur de la production. La réhabilitation patrimoniale apporte du La réhabilitation patrimoniale apporte du logement là où l’on vit déjà, sans étaler la ville — et avec ce supplément d’âme que, vous comme moi, cherchons quand on pousse la porte de chez soi.

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